1Le tabou du burn-out en entreprise.

Vous trouverez de multiples ouvrages sur le stress au travail ou les risques psychosociaux et autres causes de mal être au travail. Alors pourquoi un site de plus ?

  • Parce que les thèmes du harcèlement moral dans la vie privée comme dans l’entreprise (Hirigoyen, 2001) et la souffrance au travail sont désormais connus du grand public (Dejours, 2000).
  • Parce que le sujet du burn-out ou de l’épuisement professionnel a déjà fait couler beaucoup d’encre (Maslach, 1986, Maslach 2011).
  • Parce qu’il importe d’éclairer les dysfonctionnements dus aux conditions de travail (Aubert & De Gaulejac, 2007).
  • Parce que la pression sur la charge de travail imposée par la logique gestionnaire et actionnariale (Aubert, 1999 et 2009) fait des ravages.

Toutes ces raisons ne font malheureusement que décrire la réalité du monde du travail, mais ne donnent pas de solution. Or il faut travailler de plus en plus longtemps, pour atteindre l’âge de la retraite qui s’éloigne de plus en plus.

Ce site repose sur une approche pragmatique de prévention, mais aussi de survie dans le monde du travail basée sur de nombreux témoignages de victimes, mais aussi heureusement de quelques DRH concernés.

  • Parce qu’il est facile de se retrouver un jour victime au travail.
  • Parce que le travail (ou quelle qu’activité que ce soit) reste un moyen de ressentir son utilité (besoin fondamental de l’individu) et d’affirmer son identité sociale.
  • Parce que vivre une période de chômage est difficilement acceptable.
  • Parce que le travail est plus important que jamais pour éviter l’isolement social.

1.1 – Le burn-out est un tabou… et la résilience un désert à traverser.

Quant au bien être, il ne faut pas faire de fausses promesses. Le travail, bien qu’il fasse partie de nos vies, est une confrontation au réel qui n’est jamais facile. Sans aller jusqu’au « well being », ce nouveau concept RH anglo-saxon ayant un peu de mal à s’imposer en France, quels mots choisir pour évoquer les phénomènes d’épanouissement au travail, de sens, de motivation et d’intérêt et à minima de reconstruction de soi par le travail quand le travail a trop fait souffrir ? Est-ce que la qualité de vie au travail est accessible à tous ?

Notre enquête menée sur le thème de la reconstruction post burn-out démontre qu’il est possible de reprendre le chemin du travail. Cependant, les dégâts sont irrémédiables dans une carrière, je préfère vous le dire tout de suite. Toutes les personnes que j’ai pu rencontrer dans le cadre de cette enquête ont changé radicalement leur façon de voir leur travail.

  • Comment garantir aux cadres qu’ils se remettront de leur burn-out ?
  • Peut-on leur affirmer qu’ils n’en feront qu’un seul dans leur carrière ?
  • Comment peuvent-ils se reconstruire ?
  • Comment vont-ils supporter cette cicatrice dans leur parcours sans faute ?

1.2 – Que deviennent ces victimes du travail ?

Ces hommes et ces femmes nous ont raconté leurs histoires. Ils ont évoqué leurs souvenirs et la façon dont ils sont sortis de l’épuisement professionnel.

  • Certains d’entre eux ont modifié profondément leur rapport au travail.
  • Certains sont en congé maladie ou sabbatique, loin de l’entreprise.
  • Certains ont démissionné et changé de métier.
  • Certains reproduisent les mêmes erreurs jusqu’au prochain burn-out.

Ce que vous devez savoir, si par malheur vous avez fait un burn-out :

  • Revenir sur les lieux du travail n’est pas facile.
  • Votre engagement et votre motivation doivent changer radicalement.
  • Il y aura toujours une épée de Damoclès au-dessus de votre tête.
  • Les rapports aux collègues, à la hiérarchie, changent.
  • Votre avenir professionnel est irrémédiablement revu et corrigé.
  • Votre burn-out fait partie de votre CV.

Il faudra du temps pour digérer, intégrer, sublimer éventuellement cet épisode difficile, voire traumatisant pour certains.

Peut-on oublier ou est-ce préférable au contraire de se souvenir pour ne pas oublier ?

C’est avec toutes ces questions que nous sommes partis à la recherche de ces salariés, victime du travail ayant vécu la réalité d’un burn-out de l’intérieur. Nous avons choisi de nous focaliser particulièrement sur les étapes de reconstruction et sur les moyens mis en œuvre pour étayer ou soutenir une identité professionnelle abimée, écorchée. Notre fil d’Ariane fut le suivant : existe-t-il un processus de reconstruction ? C’est avec un regard pragmatique que nous avons élaboré notre méthodologie pour répondre à cette question sous-jacente : comment se remet-on d’un burn-out ? Cette enquête a été récompensée par l’ANACT.

1.3 – Et vous ? Que comptez-vous faire ?

Chacun peut agir modestement sur les risques psychosociaux et la santé mentale au travail. À commencer par soi-même, mais aussi en prenant soin de son collègue. Alerter le plus tôt possible reste la meilleure des préventions contre les risques autour de la santé mentale. Cependant, la prévention est très difficile à mettre en place et encore plus à appliquer dans les entreprises.

Si vous êtes DRH ou responsable des relations sociales, vous savez bien que le problème est complexe au niveau juridique et social. Difficile et complexe car il vous faut faire la part des choses entre le travail, les procédures et la sphère privée du salarié. Jusqu’où pouvez-vous aller quand un salarié est arrêté pour inaptitude à son poste et que la procédure de droit social vous invite à lui proposer un autre poste.

  • Comment va-t-il percevoir cette « proposition » pendant qu’il est en arrêt chez lui ?
  • Pensez-vous à le contacter pendant son arrêt ?
  • Est-ce souhaitable pour lui sans réactiver son niveau de stress ?

Chaque cas est unique. Chaque entreprise a son histoire. Mais surtout chaque salarié réagit différemment. Le droit social ne peut pas tout résoudre collectivement, ni individuellement. C’est l’esprit du droit qu’il faut ici protéger et le bon sens qu’il faut parfois retrouver. Les accords de méthodes et les accords de fond ne font que tourner autour du véritable problème qui se présentera toujours sous un angle anxiogène pour celui qui le vit.

Si vous êtes médecin du travail, assistant sociale ou soignant vous savez bien que votre marge de manœuvre reste faible mais essentielle. Elle consiste à faire savoir, à alerter, à éduquer et à minima à sensibiliser autour des risques psychosociaux. Mais malheureusement, vous êtes nombreux à dire que vous n’avez aucun impact sur l’organisation interne et l’activité de travail dans l’entreprise qui reste hors de portée, sauf lorsque les DRH innovantes sur ces questions travaillent de concert avec vous.

  • Comment pouvez-vous faire pour sensibiliser ces cadres qui ne prennent pas conscience de ce qui leur arrive ?
  • Comment aider ces salariés aptes à reprendre le chemin du travail alors qu’ils manifestent encore des symptômes d’anxiété ?

Les brochures sur les risques psychosociaux au travail sont moins nombreuses dans les cabinets médicaux que ceux des risques cancérigènes, ou de port de charges lourdes. Les brochures sur le stress au travail sont généralistes mais souvent bien faites pour une sensibilisation. L’ensemble de ces brochures, emmenées discrètement pas le salarié en consultation peut faire l’objet d’un échange approfondi. Encore faut-il que vos agendas en permettent l’occasion.

Si vous êtes collègue de bureau, représentant du personnel ou IPRP, vous êtes alertés au quotidien sur ces questions des risques. Certains d’entre vous portent clairement la problématique avec l’aide des responsables des relations sociales. Ces actions permettent de construire ensemble des plans d’action de prévention et de maintenir les échanges autour du stress au travail.

  • Comment s’organiser ensemble autour de la notion de risque psychosocial ?
  • Comment délimiter le périmètre du sujet ?
  • Comment ne pas tomber dans la chasse aux coupables ?

En effet, en matière de RPS (risques psychosociaux), nous sommes tous responsables. Chacun à notre niveau, nous pouvons dire et faire des petites choses pour prendre conscience des dangers du mal être au travail, dénoncer le déni et favoriser le conflit constructif.

2Le burn-out : à vos risques et périls

Le burn-out n’est pas une fatalité, il ne s’abat pas sur le 1er venu. Certaines personnes sont plus sujettes au burn-out (comme nous le constaterons dans le portrait-robot de la victime idéale), mais globalement un épisode d’épuisement peut arriver à tout le monde et pas que dans le monde du travail.

2.1 – Le burn-out est toujours précédé de signes ou de symptômes avant-coureurs (INRS, 2011)1 :

1 – L’alarme

L’organisme se prépare au combat ou à la fuite. Dès la confrontation à une situation évaluée comme stressante, des hormones (les catécholamines) sont libérées par l’organisme. Elles ont pour effet d’augmenter la fréquence cardiaque, la tension artérielle, les niveaux de vigilance, la température corporelle… Toutes ces modifications ont pour but d’amener l’oxygène aux muscles et au cœur et ainsi de préparer l’organisme à réagir (s’adapter, se battre, s’enfuir vite…).

2 – La résistance

Si la situation persiste, l’organisme entre en phase de résistance. De nouvelles hormones (les glucocorticoïdes), sont sécrétées : elles augmentent le taux de sucre dans le sang pour apporter l’énergie nécessaire aux muscles, au cœur et au cerveau. L’organisme se prépare aux dépenses énergétiques que nécessitera la réponse au stress. Les glucocorticoïdes ont la particularité de freiner leur propre sécrétion par rétroaction : la quantité d’hormones libérées dans le sang est alors détectée par des récepteurs du système nerveux central qui la régulent.

3 – L’épuisement

Si la situation stressante se prolonge encore ou s’intensifie, les capacités de l’organisme peuvent être débordées : c’est l’état de stress chronique. Pour faire face à la situation, l’organisme produit toujours plus d’hormones. Le système de régulation évoqué précédemment devient inefficient. Les récepteurs du système nerveux central deviennent moins sensibles aux glucocorticoïdes, donc leur taux augmente constamment dans le sang. L’organisme, submergé d’hormones, est en permanence activé. Il s’épuise.

Si vous n’êtes pas attentif à vos propres besoins, il se peut que vous n’entendiez pas votre système d’alarme individuel. Il existe pourtant en chacun de nous et signifie que quelque chose ne va pas dans un ensemble plus global. Ce signal peut être discret, répété, mais généralement soudain et parfois ignoré dans ce dernier cas. C’est là qu’il y a danger si rien n’est fait à très court terme.

Quand un thermomètre indique que vous avez 40 degrés, c’est que votre corps réagit à une agression, un virus, une infection par exemple et c’est sa façon à lui de vous communiquer par retour de symptômes que quelque chose ne va pas (phase d’alarme). Heureusement cette hausse de température est aussi un moyen de se défendre pour lui (phase d’adaptation). Si le corps est en capacité de se défendre, la fièvre permettra de se réparer (phase de récupération). Mais, si la fièvre dure trop longtemps, le corps va se fatiguer (phase d’épuisement) et générer un stress négatif qui vous fatiguera encore plus et qui va mettre le corps en alerte rouge jusqu’à ce que vous réagissiez ou que quelque chose l’aide à réagir pour rétablir l’équilibre.

Ce n’est pas une faiblesse,c’est l’organisme qui est déréglé. On a découvert, récemment, que lorsque les hormones du stress remontent au cerveau, elles modifient la manière dont on détecte la prochaine situation. Les hormones modifient donc la façon de voir les choses. Plus on est stressé, plus on génère de réponses de stress. Le verre devient alors plus qu’à moitié vide. On tombe alors dans un cercle vicieux qui peut mener à l’épuisement professionnel par une façon déformée de percevoir la situation et les ressources pour s’en sortir.

Sonia Lupien 20112

 

2.2 – Deux sortes d’alarmes pourtant efficaces

Dans le cas de l’épuisement professionnel, deux sortes d’alarmes vont se déclencher : la première (interne et subjective) informe l’individu sur son ressenti, la deuxième (externe et factuelle) informe l’entreprise et ses salariés que vous n’allez pas bien. Cette dernière est rarement entendue dans le flot des affaires courantes, toujours plus absorbés que nous sommes à vaquer à nos occupations personnelles. Par conséquent, si vous-même avez tendance à l’ignorer, cette alarme peut passer inaperçue. Vous pouvez donc masquer le malaise assez longtemps, mais ce n’est pas dans votre intérêt, ni dans celui de votre entreprise car ne pas prendre en compte une alarme est toujours suivi de conséquences graves à court terme.

Et puis il y à ceux qui ne voient rien, qui ne s’imaginent même pas ne pas aller bien. Ils ont toujours su gérer, pourquoi leur arriverait-il quelque chose ? C’est inconcevable pour eux. Et pourtant le burn-out arrive à n’importe qui. Surtout les plus forts paradoxalement.

Le déni de la souffrance au travail a un bel avenir devant lui dans les entreprises ou les institutions. La souffrance fait peur et la faiblesse parait à certains contagieuse, mais surtout la santé mentale effraie. Alors pourquoi s’intéresser à la souffrance de l’autre au travail ? Tout simplement, parce que vous faites partie d’un collectif de travail et que celui-ci doit rester sain pour être performant et vous maintenir en bonne santé mentale et physique. Votre employeur est aussi responsable que vous en la matière et il a même une obligation de résultat (article L.4121 du Code du travail).

2.3 – Branchez votre système d’alarme individuel : ça ne tient qu’à vous !

Il est donc nécessaire si vous avez peur de faire un burn-out (ou si vous en avez déjà fait un) de brancher dès à présent votre propre système d’alarme. Chaque personne est différente et donc chaque alarme également. La cause originelle est souvent reliée au travail mais peut également être un savant cocktail dynamité de privé et de professionnel s’il y a eu accumulation par capillarité. Quand Jacques ramène des dossiers chaque soir à la maison et qu’il passe ses coups de fils professionnels pendant ses congés, sa compagne et ses enfants peuvent s’irriter et lui manifester leur mécontentement dans un premier temps (phase alarme). Si il y fait attention et qu’il entend leur plainte, il va y avoir échanges, discussion et fera en sorte de ne pas ramener trop de travail à la maison (phase d’autorégulation positive).
Par contre, si la régulation échoue, parce que le travail de Jacques nécessite un investissement au-delà de la sphère professionnelle, son couple, mais aussi sa famille, devra l’aider à gérer cette crise pour trouver une solution qui convienne à tout le monde (phase de recherche collective de solution). Si la solution n’est pas trouvée ou inefficace, les irritations des uns et des autres vont venir nourrir les difficultés professionnelles de Jacques (pression personnelle plus pression professionnelle) et il y a risque avéré à moyen terme. Cette question de la porosité entre la sphère personnelle et la sphère professionnelle est confrontante et bien souvent c’est le stigmate individuel qui est privilégié par les ressources humaines aujourd’hui.
« Jacques a des soucis à la maison… qui l’empêchent de se concentrer au travail ! ». Mais qui du travail ou des tensions à la maison feront craquer Jacques ?
Les victimes elles-mêmes se disent à tel point envahies que les problèmes s’enchevêtrent à un moment ou à un autre sur la sphère personnelle et familiale sans qu’elles puissent réagir. Parler de capillarité serait plus juste, mais dans une société de droit et une logique de faits qui séparent le professionnel et le privé, ce n’est pas si simple pour les expertises qu’elles soient RH, juridiques ou psychiatriques. Alors comment repérer au plus tôt les symptômes de cette dangereuse capillarité ?
Quand devez-vous faire retentir votre signal d’alarme ?

Ce qu’il faut retenir …

Les alarmes du burn-out

  • Sentiment d’une ou plusieurs tâches illusoires, épuisantes, voire inaccessibles.
  • Perte d’énergie, sensation d’abattement.
  • Sentiments difficilement verbalisables (irritation, agacement ou colère).
  • Éventuellement sursaut paradoxal (le salarié se sent envahi d’un sentiment de toute-puissance jusqu’à ce que tout s’écroule très rapidement et brutalement).
  • Maux physiques chroniques (rhume, maux de dos, migraine…)
  • Symptômes anxio-dépressif, insomnie, mélancolie.
  • Un burn-out ne mène pas forcément à la dépression, mais pourrait selon certains chercheurs être un facteur déclenchant.
  • Une dépression n’entraine jamais un burn-out, mais l’inverse peut la précipiter.
  • En cas de burn-out, la personne est en situation de stress chronique dans 100% des cas. Tandis que c’est le cas seulement 1 fois sur 2 dans une dépression d’origine non professionnelle.
  • Une personne dépressive aura tendance à se sentir coupable pour ce qui lui arrive.
  • Une personne qui décompense aura plutôt tendance à éprouver de la colère.
  • Sentiment de désorientation et d’inadaptation.
  • Risques de décompensation rare, mais impressionnante si elle a lieu au travail.

Pour conclure, une période d’épuisement professionnel peut avoir des répercussions dans toutes les sphères de la vie. Dans pareils cas, la victime peut glisser vers la dépression. La dépression est plus fréquente quand la situation de travail cumule forte exigence de productivité, faible marge de manœuvre et manque de soutien social, absence d’aide de la part des collègues ou de l’encadrement (Karasek). Les troubles anxieux sont également plus fréquents en cas de situations stressantes prolongées. Dans le pire des cas, il arrive parfois que des dépressions sévères évoluent vers des tendances suicidaires.

1 www.inrs.fr/default/dms/inrs/CatalogueMultimedia/TI-Anim-005/stress-travail-anim-005.swf
2 Neuropsychologue, directrice scientifique du Centre de recherche Fernand-Seguin de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine (Montréal, Canada). Elle est aussi directrice et fondatrice du Centre d’études sur le stress humain. www.hlhl.qc.ca. [consulté le 12 nov 2011].

3Les alarmes psychosocio-organisationnelles.

L’alarme psychosociale : utilisée pour alerter sur les dysfonctionnements du salarié (physiques, émotionnels, psychologiques, comportementaux). Cette alarme peut s’arrêter en faisant appel aux spécialistes des soins (médecins, psychologues, psychothérapeutes) pour que la cause racine personnelle et individuelle soit identifiée. Inconvénient : elle stigmatise directement la personne en désignant ses « fragilités », ses « sensibilités » qui n’en sont pas, car elles ne sont pas forcément structurelles (structure de la personne), mais conjoncturelles (reliées à un contexte interactionnel) et ne font que révéler les conséquences d’un stress chronique pour la personne à cause de son environnement.
Cette alarme a tendance à être privilégiée car elle ne remet pas en question le collectif de travail et offre sournoisement l’avantage de le déculpabiliser d’y être éventuellement pour quelque chose. Cette alarme utilisée seule est inefficace pour la personne et pour l’entreprise à moyen terme. Résultat : score perdant/perdant. L’entreprise s’est néanmoins acheté un peu de tranquillité en mettant le problème en quarantaine, à distance, et se sent dédouanée quelque temps, jusqu’à ce qu’un autre salarié ne craque à son tour… par effet de « contagion sociale » comme avaient alerté les psychiatres et les sociologues en charge des affaires chez France Télécom et La Poste.

L’alarme socio-organisationnelle : utilisée pour alerter sur les dérives des conditions de travail entrainant un dysfonctionnement et/ou une surcharge de travail. Cette alarme peut s’arrêter en faisant appel à des sociologues, des ergonomes, des consultants en analyse de processus métier pour que l’organisation des conditions de travail soit rééquilibrée. Inconvénient : elle est de faible utilité en cas d’urgence, donnant le sentiment à la personne qu’on s’occupe de procédures alors que l’urgence opérationnelle est sur son terrain. Résultat : score perdant/perdant à court terme en cas d’urgence. Elle a le mérite néanmoins de mettre en place des groupes de travail qui réfléchissent aux risques psychosociaux et organisationnels. Elle est longue à mettre en place et nécessite le pilotage par des intervenants formés et sensibilisés à cette démarche. Rares sont les entreprises aujourd’hui qui privilégient cette approche.

Selon l’OMS, les impacts sur le collectif de travail et l’organisation porte radicalement atteinte à la santé et à la performance de cette entreprise (OMS, 2004). Si elles ne fonctionnent pas sainement, les organisations ou entreprises ne tirent pas de leurs employés tout ce qu’ils sont capables de donner (Alter 2010)1, ce qui risque de porter atteinte à leurs performances dans un marché de plus en plus concurrentiel. Concrètement, le stress professionnel porte atteinte à l’entreprise car il entraine :

  • un absentéisme,
  • une altération de la motivation des travailleurs,
  • un turn-over et des coûts de recrutement,
  • une baisse des performances et de la productivité,
  • des pratiques dangereuses et augmente les coûts et taux d’accident du travail,
  • des plaintes des clients et des consommateurs,
  • des risques de procès et d’actions en justice intentés par des travailleurs victimes du stress,
  • une dégradation de l’image employeur à l’extérieur.

1 Norbert Alter, prenant à rebours les discours du management ordinaire, met en évidence que le problème des organisations ne consiste pas à « mobiliser les salariés » mais à tirer parti de leur volonté de donner.

4Les 1ers signes de l’épuisement professionnel.

Pour les uns :

  • perte d’énergie,
  • sensation d’abattement,
  • sentiments difficilement verbalisables comme l’irritation, l’agacement ou la colère,
  • indifférence si la situation perdure,
  • ennui et/ou cynisme dans une dernière phase.

Pour d’autres :

  • épuisement manifesté par une logique paradoxale,
  • sensations d’énergie dévastatrice, risque de passage à l’acte,
  • sentiments de toute-puissance jusqu’à ce que tout s’écroule très rapidement et brutalement.

Troubles ou maladies physiques avant-coureurs d’un épuisement :

  • rhume ou mal de dos qui persiste malgré le repos,
  • tensions corporelles ou musculaires qui grandissent,
  • l’épuisement qui s’installe.
5Le burn-out frappe fort : la décompensation.

Il est très difficile à repérer car les signes cliniques sont parfois mineurs et insuffisants pour le déceler car :

  • le salarié ne s’exprime pas,
  • il ne pleure pas,
  • il se contente de « tenir ».

L’anxiété, les troubles du sommeil, le désengagement social, l’ennui, l’augmentation de la prise de médicaments ou de différents toxiques (addictions) sont les signes précurseurs, comme la fatigue mais sont souvent banalisés. On parle alors de signes précurseurs d’une forme de dépression asymptomatique (c’est-à-dire ne présentant aucun symptôme clinique parlant). Le burn-out rode…

Les 2 temps de décompensation après la phase d’alerte :

La 1ère phase de décompensation :

1) Reflet symptomatique des pratiques organisationnelles pathogènes

2) Reflet sociologique quand un réseau de coopération ne se crée pas autour du salarié en souffrance. Elle se matérialise par :

  • angoisse caractérisée par des manifestations physiques (tachycardie, tremblements, sueurs, boule œsophagienne),
  • retour en boucle des scènes traumatisantes (cogitations),
  • angoisses surgissant spontanément, déclenchées par une perception analogique de la scène traumatique : bruit, couleur d’un mur, mimique d’une personne présente, odeur particulière, etc.
  • cauchemars intrusifs, entraînant le réveil immédiat,
  • insomnie réactionnelle bloquant la survenue des cauchemars intrusifs,
  • fatigue, repli social affectif et sexuel majeur avec altération progressive de l’état général, sur tous ses versants : somatique, cognitif, psychique,
  • perte de mémoire et/ou troubles de la concentration, de la logique,
  • atteintes psychiques entraînant perte de l’estime de soi, sentiment de dévalorisation, sentiment de perte de compétences, sentiment de culpabilité, position défensive de justification, effondrement anxio-dépressif pouvant mener à un état d’angoisse paroxystique à évolution suicidaire (raptus suicidaire),
  • atteintes somatiques signes de l’atteinte des défenses immunitaires après l’effondrement des défenses psychiques. Elles sont de gravité croissante suivant la durée de la situation (perte ou prise de poids importante, dysfonctionnements digestifs, cardiaques ou gynécologiques),
  • désarroi identitaire suite aux situations professionnelles contradictoires, difficultés sur le terrain (altération des repères moraux).

La 2nde phase de décompensation correspond à une décompensation de la structure de la personnalité qui a lieu immédiatement ou à distance de l’événement. Elle se caractérise par les éléments suivants :

  • bouffée délirante aigüe,
  • dépression grave,
  • désorganisation psychosomatique,
  • paranoïa, etc.

Attention : le type de décompensation névrotique, psychotique, somatique ne dépend pas uniquement du travail mais en dernier ressort, de la structure de la personnalité. Seul un psychiatre peut le diagnostiquer. La décompensation reste rare dans le monde du travail, mais peut survenir et choquer l’entourage social de proximité. Elle peut être violente, soudaine ou spectaculaire.

6L’amalgame burn-out et dépression.

Les chercheurs ne sont pas tous d’accord actuellement sur la question. L’amalgame est courant et inquiète les salariés victimes de burn-out.

Un épuisement peut ressembler de façon étonnante à une dépression.

Toutefois il existe une différence entre un état d’esprit dépressif et un burn-out : en cas de burn-out, les personnes atteintes sont toujours en situation de stress chronique. Tandis que c’est le cas seulement 1 fois sur 2 en cas de dépression d’origine non professionnelle. Des différences physiologiques sont également constatées au niveau du dosage de cortisol : les personnes en épuisement professionnel n’en produisent pas assez alors que les personnes déprimées en produisent trop. La personne souffrant de dépression verra également toutes les sphères de sa vie touchées par cet état léthargique, ce qui n’est pas le cas de la personne épuisée. De plus, tandis qu’une personne dépressive aura tendance à se sentir coupable pour ce qui lui arrive, celle qui est en train de décompenser aura plutôt tendance à éprouver de la colère.

AgressivitéAttitude dépressive (chronique ou durable)

AgressivitéAttitude proche du burn-out (agacement, irritation, désillusion)

PerduUne des sensations les plus désagréables et extrême de l’épuisement est la désorientation. L’individu n’arrive pas à se concentrer et se sent de plus en plus séparé de son environnement. Il ne comprend plus très bien certaines choses qui se passent autour de lui et va jusqu’à se demander ce qu’il fait là. Par exemple, un salarié assiste à une réunion ou un événement quelconque mais se trouve (en pensée) à des milliers de kilomètres. Cette désorientation est inquiétante car elle affecte le jugement, la mémoire et les capacités cognitives. Ceci renforce le sentiment d’aliénation et peut être source de perte d’estime de soi.
Peur

Une chose est sûre néanmoins, une victime de burn-out récupèrera de l’énergie en se retrouvant au repos à la maison parmi les siens ou loin du travail, tandis que cela ne jouera pas sur le symptôme dépressif.

7Les raisons les plus souvent évoquées par les victimes.
  • Investissement trop lourd et trop long sur un projet faisant intervenir des équipes à distance.
  • Travail avec des équipes étrangères gérées par un manager à distance.
  • Profil de mission mal défini et interprétable différemment selon les points de vues des managers impliqués.
  • Profil de poste inexistant ne permettant pas de points de référence en cas de dépassement de limites.
  • Déplacements professionnels trop nombreux dans le mois pour équilibrer sa vie personnelle.
  • Volume de dossiers trop important à gérer.
  • Impression de manque de moyens ou de temps.
  • Sentiments récurrents de devoir rendre un travail qui mériterait plus de temps.
  • Sensation de devoir abandonner un dossier par manque de résultat.

Indicateurs de risques à surveiller

Age
  • Entre 20 et 60 ans (période de la vie active)
Périodes à risques
  • Prises de responsabilités
  • Transitions professionnelles
  • Prise de poste, passage statut cadre
  • Retour de congé maternité, parental, sabbatique
  • Retour d’expatriation
  • Promotion
  • Changement de réglementations ou normes obligatoires
  • Période de clôture ou autre saisonnalité due à votre fonction
  • Premier et dernier trimestre (janv-mars et oct-déc)
Missions à risques
  • Projet matriciel, projet transverse
  • Management fonctionnel (sans lien hiérarchique)
  • Interface siège/réseau
  • Coordination d’équipe multi-sites
  • Interface équipe de direction/équipe technique
  • Équipe multiculturelle
  • Prestations face à un public
  • Clientèle à satisfaire
  • Gestion équipe projet sans lien non hiérarchique
  • Gestion équipe projet avec lien hiérarchique

Contextes à fort indice déclencheurs de risques selon INRS

Facteurs liés à l’environnement de travail
  • Fortes exigences quantitatives (charge de travail, rendement, pression temporelle, masse d’informations à traiter…)
  • Fortes exigences qualitatives (précision, qualité, vigilance…)
  • Difficultés liées à la tâche (monotonie, absence d’autonomie, répétition, fragmentation…)
Facteurs liés à l’organisation du travail
  • Absence de contrôle sur la répartition et la planification des tâches
  • Imprécision des missions confiées
  • Mauvaise communication
  • Contradiction entre les exigences du poste (comment faire vite et bien ? Qui dois-je satisfaire, le client ou l’encadrement ?)
  • Nouveaux modes d’organisation (flux tendu, polyvalence…)
  • Instabilité des contrats de travail (contrat précaire, sous-traitance…)
  • Inadaptation des horaires de travail aux rythmes biologiques, à la vie sociale et familiale
Facteurs liés aux relations de travail
  • Manque de soutien de la part des collègues et/ou des supérieurs hiérarchiques
  • Absence de communication
  • Management peu participatif, autoritaire, déficient
  • Absence ou faible reconnaissance du travail accompli
Facteurs liés à l’environnement physique et technique
  • Nuisances physiques au poste de travail (bruit, chaleur, humidité…)
  • Mauvaise conception des lieux et/ou des postes de travail (manque d’espace, éclairage inadapté…)
Facteurs liés à l’évolution sociologique
  • Utilisation croissante des techniques de communication à distance
  • Individualisation de l’activité professionnelle avec sur-responsabilisation
  • Exigence ou agressivité de la clientèle
Facteurs liés à l’environnement macro-économique de l’entreprise
  • Mauvaise santé économique de l’entreprise ou incertitude sur son avenir
  • Compétitivité, concurrence
8Les 3 principales pratiques pathogènes en entreprise.

Les 3 principales pratiques organisationnelles pathogènes qui sortent du cadre légal (Pezé, 2008, p187) :

  • Un lien de subordination basé sur des pratiques relationnelles de pouvoir, d’intimidation ou des pratiques d’isolement entraînant la séparation du sujet de son collectif de travail.
  • Des règles disciplinaires basées sur une surveillance disproportionnée mettant le salarié en situation de justification constante.
  • Un pouvoir de direction et d’organisation basé sur des injonctions paradoxales.